10 mai - 9 juillet 2011
Brice Dellsperger / Body double 22


ChinaGirl est trés heureuse de présenter Body double 22 de Brice Dellsperger à l’occasion de la sortie du livre Body double, incluant l’essai Posture et talons hauts de Marie Canet (Editions Toasting Press et Les presses du réel pour la version française; Editions Toasting Press et Sternberg Press pour la version anglaise)

Extrait



« La nature même du remplaçant est donc double car il est l’unique aux multiples facettes, aux multiples images et corps. Verna est une image qui remplace une autre image dans un film de remplacement. Et il remplit tous les rôles. Quand il remplit le rôle de la femme aimée, il est aussi celui qui aime. Substitut, il aime un substitut, pour un substitut d’amour que des simulacres et des parodiques émotions renforcent, portés par les voix des originaux. Dans les gros plans, il est encore plus difficile de reconnaître ou d’accorder un statut à cet être. L’acteur travesti est hybride, multiple et multiplié. Dans les moments d’extrêmes basculements, quand la bouche ne se fait plus que mime d’une voix masculine ou féminine, la perception perdue cherche un signe de reconnaissance chez cet homme qui n’est plus vraiment homme et qui ne donne la réplique à personne – sinon à lui-même. Le corps double s’auto-engendre et se zappe. Il se vomit en même temps qu’il se dévore. Étrangement inquiétant, il se fait l’autre en restant le même. Par sa fonction de remplaçant et de porteur de voix, il n’a dans le film comme statut que celui d’image. Si Verna se dit « outil » dans le film de Dellsperger, c’est parce qu’il n’est pas en acte. Sans volonté et parce que répliquant, il nous présente simplement son corps dont tout sentiment est évacué, tout pathos écarté avec froideur. Verna est une fosse dans laquelle tout se love, où tout s’inscrit et par le jeu des miroirs, il se regarde faire comme il regarde, avant chaque prise, le modèle qu’il s’apprête à reproduire. Dans les champs contre-champs, en vis-à-vis de lui-même, par montage et raccord de regards, il prend la dimension d’un jumeau déjà mort. C’est un hologramme détaché d’espace et de temps. Il n’existe que dans l’instant. Les travestissements et les miroirs font de lui un reflet perpétuel dans le jeu catoptrique du film. »

Marie Canet, Posture et talons hauts, Editions Toasting Press et Les presses du réel, 2011



“The very nature of the substitute is therefore double since it is a unique being with multiple facets, with multiple images and bodies. Verna is an image that replaces another image in a substitution film. And he plays all the roles. When he plays the role of the loved woman, he is also the one who loves. As a substitute, he loves a substitute, for a substitute love, reinforced by simulacra and parodical emotions and carried by the voices of the originals. In the close-ups, it is even more difficult to recognize or grant a status to this being. The disguised actor is hybrid, multiple and multiplied. In the moments of extreme disruption, when the mouth is only miming a
Dreamland
male or female voice, lost perception seeks a sign of recognition from this man who is no longer really man and who doesn’t give the line to anyone – save for himself. The body double is self-engendering and zaps itself. It regur- gitates itself at the same time that it devours itself. Strangely disturbing, it transforms into the other while remaining the same. Through its function as substitute and a voice vessel, its only status in the film is that of image. If Verna claims to be a “tool” in the Dellsperger’s film,
it is because he is not in action. Because he is a replicant with no will, he simply presents to us his body, from which all feeling has been drained, from which all pathos has been coldly pushed aside. Verna is a pit in which everything coils up, in which everything is integrated; through the play of mirrors, he watches himself in action, just as before every shot, he watches the model he is getting ready to reproduce. In the angle-reverse-angle shots, while he faces himself, he takes on the aspect of a twin who
is already dead because of the editing and by eyeline matching. It is a hologram that is removed from space and time. It only exists in the instant. The disguises and the mirrors turn him into a perpetual reflection in the catoptric game of the film.”

Marie Canet, Posture and High Heels, traduction Molly Stevens, Edited by Toasting Press et Sternberg Press, 2011

Programme
Body double 22

2007, 37’, video, col., son.

De manière exceptionnelle nous aimerions remercier tous ceux qui ont soutenu ce projet à commencer par Eva Svennung, Florence Bonnefous, Galerie Air de Paris, Brice Dellsperger, Xavier Douroux et Jean-Luc Verna, ainsi que l’équipe de la galerie Cortex Athletico qui permet à ChinaGirl de continuer encore.
Merci aussi à Sonia et Hervé Babaud, Mathieu Bernard, Florence Bourgade, Romain Canet, Hector Castells, Isabelle Cornaro, Michel Darracq, Vanessa Desclaux, Matthias Garrouste, Evgénia Giannouri, Bertrand Grimaud, Claire Jacquet, Kantuta Quiros, Jean-Marc Lachaud, Philippe-Alain Michaud, Nathalie Vignières, Célia Rémy, Eric Troncy et la famille Canet.